Lamort n’est rien, je suis simplement passĂ© dans la piĂšce Ă  cĂŽtĂ©. Je suis moi, vous ĂȘtes vous. nous le sommes toujours. Elle est ce qu’elle a toujours Ă©tĂ©. Simplement parce que je
AbritĂ©s derriĂšre un repli de tarrain Ă©vacuĂ© par les Boches, nous attendions, sous les obus mal repĂ©rĂ©s de l'ennemi, le moment de partir Ă  l'assaut de ses retranchements, assaut dĂ©jĂ  tentĂ© vainement par les taborrs marocains. L'ordre vint enfin, et, joyeux, nous partimes en avant, dĂ©ployĂ©s en tirailleurs. Il Ă©tait 5 heures ; l'artillerie allemande, foudroyĂ©e, s'Ă©tait tue ; mais, en arrivant sur la crĂȘte, une terrible grĂȘle de balles nous accueillie ; nous bondissionsd ans les avoines enmĂ©lĂ©es, oĂč beaucoup tombent ; la course est pĂ©nible. Un bond encore, et nous voilĂ  abritĂ©s derriĂšre le talus d'une route, haletants et soullants. Les balles sifflent Ă  ras de nos tĂȘtes ; nous tiraillons Ă  500 mĂštres sur les allemands bien retranchĂ©s et presque invisibles dans leurs uniformes couleur terre. Les voix jeunes et claironnantes du lieutenant PĂ©guy commande le feu ; il est derriĂšre nous, debout, brave, courageux sous l'averse de mitraillette qui siffle, cadencĂ©es par le tap tap infernal des mitrailleuses prusiennes. " Cette terrible course dans les avoines nous a mis Ă  bout de soufle, la sueur nous inonde et notre brave lieutenant est logĂ© Ă  notre enseigne. Un court instant de rĂ©pit, puis sa voix nous claironne "En avant." "Ah ! cette fois, c'est fini. Escaladant le talus et rasant le sol, courbĂ©s en deux, pour offrir moins de prise aux balles, nous courrons Ă  l'assaut. La terrible moisson continue, effrayante ; la chanson de mort bourdonne autour de nous, 200 mĂštres sont ainsi faits ; mais allr plus loin pour l'instant, c'est une folie, un massacre gĂ©nĂ©ral, nous n'arriverons pas 10 ! Le Capitaine GuĂ©rin et l'autre lieutenant; M. de la CornilliĂšre, sont tuĂ©s raides. "Couchez-vous, hurle PĂ©guy, et feu Ă  volontĂ© !" mais lui mĂȘme reste debout, la lorgnette Ă  la main, dirigeant notre tir, hĂ©roĂŻque dans l'enfer. "Nous tirons comme des enragĂ©s, noirs de poudre, le fusil nous brulant les doigts. A chaque instant, ce sont des cris, des plaintes, des rĂąles significatifs ; des amis chers sont tuĂ©s Ă  mes cĂŽtĂ©s. Combien sont morts ? On ne compte plus. "PĂ©guy est toujours debout, malgrĂ© nos cris de "Couchez-vous !", glorieux ; fous dans sa bravoure. La pluspart d'entre nous n'ont plus de sac, perdu lors de la retraite, et le sac, en ce moment, est un prĂ©cieux abri. Et la voix du lieutenant crie toujours Tirez ! Tirez ! Nom de Dieu " D'aucuns de plaignent "Nous n'avons pas de sac mon lieutenant, nous allons tous y passer ! - Ca ne fait rien ! Crie PĂ©guy dans la tempĂąte qui siffle. Moi non plus je n'en ai pas, voyez, tirez toujours ! " Et quand, 100 mĂštres plus loin, je jette derriĂšre moi un raĂ©pide coup d'oeil alarmĂ©, bondissant comme un forcenĂ©, j'aperçois lĂ -bas comme une tache noire au milieu de tant d'autres, Ă©tendu sans vie, sur la terre chaude et poussiĂšreuse, le corps de ce brave, de notre cher lieutenant." CharlesPĂ©guy, poĂšte mort au front; Charles PĂ©guy, poĂšte mort au front Voir sur l'admin Extrait du document . Charles PĂ©guy, poĂšte mort au front. Sous le patronage de Jeanne d\'Arc, ce chrĂ©tien fervent a militĂ© pour sa patrie et s\'est fait le chantre d\'un nationalisme mystique dans une poĂ©sie aux accents de priĂšre. Les Ă©crivains morts Ă  la Grande Guerre. Le 5 septembre 1914, le
A l'occasion du centenaire de la mort de PĂ©guy, le pĂšre Laurent-Marie Pocquet du Haut-JussĂ© nous introduit Ă  sa thĂšse dans laquelle il souligne la modernitĂ© thĂ©ologique du grand Ă©crivain français et la place centrale de l'incarnation dans son Ɠuvre. Laurent-Marie Pocquet du Haut-JussĂ© Charles PĂ©guy est mort le 5 septembre 1914, Ă  la veille de la bataille de la Marne. Un siĂšcle plus tard, son Ɠuvre littĂ©raire, philosophique et thĂ©ologique intrigue, provoque, nourrit tous ceux qui prennent la peine de le lire Ă  pleine page. ThĂ©ologien de l’incarnation rĂ©demptrice, mĂ©morialiste de la ChrĂ©tientĂ©, modĂšle du chrĂ©tien engagĂ©, homme de priĂšre et d’action, son parcours intellectuel et spirituel manifeste une Ă©tonnante fidĂ©litĂ© Ă  la grĂące et Ă  la vĂ©ritĂ© du christianisme. Si Charles PĂ©guy a beaucoup mĂ©ditĂ© sur le mystĂšre du salut, il a toujours eu en mĂȘme temps une intelligence trĂšs vive de la crĂ©ation et de l’Ɠuvre de restauration que JĂ©sus rĂ©alise. Le salut, ce n’est rien d’autre que l’expression mĂȘme de la compassion de Dieu Ă  l’égard de sa crĂ©ature, marquĂ©e par la loi du pĂ©chĂ© et de la mort. Charles PĂ©guy garde de ses annĂ©es de combat dans le socialisme une volontĂ© trĂšs ferme de lutter contre la misĂšre humaine, parce que celle-ci dĂ©grade l’homme. D’origine sociale trĂšs humble il est orphelin de pĂšre et sa mĂšre et sa grand-mĂšre rempaillaient des chaises pour survivre, dans les faubourgs d’OrlĂ©ans, il s’est toujours montrĂ© solidaire des plus pauvres et des malheureux. Dans sa premiĂšre Jeanne d’Arc, Ă©crit alors qu’il avait perdu la foi et semblait trĂšs Ă©loignĂ© de l’Eglise, il met sur les lĂšvres de son hĂ©roĂŻne cette priĂšre impressionnante s’il faut, pour sauver de la flamme Ă©ternelle les corps des morts damnĂ©s s’affolant de souffrance, Abandonner mon corps Ă  la flamme Ă©ternelle, Mon Dieu, donnez mon corps Ă  la flamme Ă©ternelle ; Et s’il faut, pour sauver de l’Absence Ă©ternelle Les Ăąmes des damnĂ©s s’affolant de l’Absence, Abandonner mon Ăąme Ă  l’Absence Ă©ternelle, Que mon Ăąme s’en aille en l’Absence Ă©ternelle ». Une fois revenu Ă  la foi, PĂ©guy trouvera dans le mystĂšre de la communion des saints cette grande rĂ©alitĂ© de la solidaritĂ© efficace de tous les chrĂ©tiens effectifs ou en devenir entre eux, par le moyen d’une charitĂ© active qui bĂ©nĂ©ficie Ă  tous. Au centre de sa contemplation, nous trouvons donc le mystĂšre du Dieu fait homme, de l’insertion du divin dans l’histoire humaine, un Ă©vĂ©nement qui renverse le cours des choses qui naturellement vont vers leur vieillissement et leur disparition et qui sauve la totalitĂ© de la crĂ©ation L’incarnation n’est qu’un cas culminant, plus qu’éminent, suprĂȘme, un cas limite, un suprĂȘme ramassement en un point de cette perpĂ©tuelle inscription, de cette toute mystĂ©rieuse insertion de l’éternel dans le temporel, du spirituel dans le charnel qui est le gond, qui est cardinale, qui est, qui fait l’articulation mĂȘme [
] de toute crĂ©ation du monde et de l’homme ». L’incarnation Ă©lĂšve la nature humaine bien au-dessus de sa condition premiĂšre. JĂ©sus s’insĂšre dans la totalitĂ© de l’histoire des hommes et des civilisations. C’est ce qu’il dĂ©crit dans les deux mille huit cents quatrains de son grand poĂšme Eve 1913. Mais cet Ă©vĂ©nement concerne aussi chaque homme dans son irrĂ©ductible originalitĂ© Ainsi l’enfant dormait au fond du premier somme. / Il allait commencer l’immense Ă©vĂ©nement. / Il allait commencer l’immense avĂšnement, / L’avĂšnement de Dieu dans le cƓur de tout homme /. » Pour permettre cette rencontre de tout homme avec son Sauveur, JĂ©sus a choisi la vie la plus humble, la plus ordinaire qui soit, une vie de famille banale. VoilĂ  la raison et la signification spirituelle des trente annĂ©es de vie cachĂ©e du Christ Il est pourtant notoire, il est considĂ©rable que c’est cette vie de famille, si dĂ©criĂ©e, si honnie, et l’attention de nos chrĂ©tiens devrait bien un peu se porter lĂ -dessus, il est considĂ©rable que ce soit cette vie de famille, si de toutes parts engagĂ©e dans le siĂšcle, que JĂ©sus ait choisie, qu’il ait Ă©lue entre toutes pour la vivre, qu’il ait effectivement, qu’il ait rĂ©ellement, qu’il ait historiquement vĂ©cue pendant les trente premiĂšres de son existence terrestre. » Par le mystĂšre de l’incarnation, nous sommes dĂ©finitivement unis Ă  JĂ©sus, unis Ă  Dieu JĂ©sus est du mĂȘme monde que le dernier des pĂ©cheurs ; et le dernier des pĂ©cheurs est du mĂȘme monde que JĂ©sus. C’est une communion. C’est mĂȘme proprement cela qui est une communion. Et Ă  parler vrai ou plutĂŽt Ă  parler rĂ©el il n’y a point d’autre communion que d’ĂȘtre du mĂȘme monde. » C’est la priĂšre et les sacrements qui nourrissent cette solidaritĂ© de chaque baptisĂ© avec son Dieu et Seigneur JĂ©sus-Christ. De cette priĂšre et de ces sacrements jaillit la grĂące, c’est-Ă -dire une nouveautĂ© dans le cƓur de l’homme qui fait de lui un ĂȘtre promis Ă  la rĂ©surrection et Ă  la vie Ă©ternelle. C’est aussi la grĂące qui donne Ă  l’homme de donner un tĂ©moignage Ă©tonnant Ă  la face du monde de la libertĂ© chrĂ©tienne comme affranchissement de la crainte de la mort et de la tristesse du pĂ©chĂ©. Quand on a compris cela, quand on a saisi l’irrĂ©ductible originalitĂ© de la vocation chrĂ©tienne dans un monde sĂ©cularisĂ©, quand on vit vraiment du mystĂšre de la grĂące, alors on est au cƓur de l’EvangĂ©lisation et de la mission de salut de l’Eglise. Mais cette mission ne va pas sans une authentique et quotidienne fidĂ©litĂ©. C’est le constat que Charles PĂ©guy faisait au soir de sa vie Ce n’est peut-ĂȘtre pas de l’orgueil. Que de constater autour de nous. Qu’assaillis de toutes parts, Ă©prouvĂ©s de toutes parts, nullement Ă©branlĂ©s nos constances modernes, nos fidĂ©litĂ©s modernes, nos crĂ©ances modernes, chronologiquement modernes, isolĂ©s dans ce monde moderne, battues dans tout un monde, inlassablement assaillies, infatigablement battues, inĂ©puisablement battues des flots et des tempĂȘtes, toujours debout, seules dans tout un monde, debout dans toute une mer inĂ©puisablement dĂ©montĂ©e, seules dans toute une mer, intactes, entiĂšres, jamais, nullement Ă©branlĂ©es, jamais, nullement, Ă©brĂ©chĂ©es, jamais, nullement entamĂ©es, finissent par faire, par constituer, par Ă©lever un beau monument Ă  la face de Dieu. A la gloire de Dieu ». D’oĂč aussi la luciditĂ© du chrĂ©tien face Ă  une civilisation qui s’est construite contre Dieu et qui rend ses participants de plus en plus indiffĂ©rents, voire hostiles aux grandes questions du salut et de la destinĂ©e du genre humain. L’Ancien RĂ©gime, qui a donnĂ© le spectacle de bien des abus, n’a jamais Ă©tĂ© le rĂšgne de l’argent. Mais le monde moderne, la nouvelle humanitĂ© a rĂ©alisĂ© ce prodige toutes les puissances spirituelles ont Ă©tĂ© refoulĂ©es, ainsi que toutes les autres puissances matĂ©rielles. Il ne reste que l’argent qui se dresse, dĂ©sormais, seul face Ă  Dieu Pour la premiĂšre fois dans l’histoire du monde l’argent est maĂźtre sans limitation ni mesure. Pour la premiĂšre fois dans l’histoire du monde l’argent est seul face Ă  l’esprit. Et mĂȘme il est seul en face des autres matiĂšres. Pour la premiĂšre fois dans l’histoire du monde l’argent est seul devant Dieu ». Les consĂ©quences pour l’humanitĂ© sont Ă©videntes on ne considĂšre plus, dans le travail humain, que sa valeur marchande. La civilisation nouvelle en vient Ă  n’estimer que ce qu’elle produit, et par lĂ , elle s’adore elle-mĂȘme. Le monde moderne ne croit en rien. Il faut maintenant prĂ©ciser, il ne croit qu’en lui Parlant au contraire l’un des plus fermes langages qu’il y ait au monde, et l’un des plus prĂ©cis, qui est prĂ©cisĂ©ment ce langage de la thĂ©ologie, nous montrerons, nous constaterons que [
] ce siĂšcle qui se dit athĂ©e ne l’est point. Il est autothĂ©e, ce qui est un bien joli mot, et bien de son temps. Il s’est littĂ©ralement fait son propre Dieu, et sur ce point il a une croyance ferme. Il y Ă©tait conduit d’ailleurs inĂ©vitablement. » Pour PĂ©guy, il est dĂ©sormais clair que l’argent est l’antĂ©christ, le maĂźtre partout prĂ©sent du monde moderne. Cette idolĂątrie est le signe ultime d’une nouvelle barbarie. La soliditĂ© de la doctrine de PĂ©guy, sa docilitĂ© Ă  l’égard de la grande Tradition ecclĂ©siale, dont il est l’écho fidĂšle et l’interprĂšte original, sa fidĂ©litĂ© au donnĂ© rĂ©vĂ©lĂ©, la cohĂ©rence de sa pensĂ©e thĂ©ologique font de lui un tĂ©moin insigne de la vĂ©ritĂ© Ă©vangĂ©lique qui s’adresse Ă  tous les hommes de bonne volontĂ©. HĂ©ritier de la grĂące, il prend sa place parmi ceux qui ont reçu mission d’ouvrir les richesses de l’Eglise aux pauvres et aux petits, Ă  ce peuple immense dont il est lui-mĂȘme issu. Au service de la foi des fidĂšles du Christ, il manifeste par toute son Ɠuvre la grandeur de la vocation de l’homme. PĂ©guy travaille pour la gĂ©nĂ©ration qui doit venir Elle est trop vivante pour ne pas se rĂ©intĂ©grer, au bout d’une gĂ©nĂ©ration, dans l’organique. C’est une race libre qui a la libertĂ© chevillĂ©e au cƓur ». C’est un peuple jeune qui a besoin de chefs jeunes, que le monde moderne est incapable de lui donner C’est aller au-devant de la dĂ©faite, c’est vouloir dĂ©libĂ©rĂ©ment la dĂ©faite et la capitulation que de mettre ou de laisser aux plus hauts postes de commandement, aux plus hautes situations de gouvernement des hommes qui ont dans la moelle mĂȘme le goĂ»t et l’instinct et l’habitude invĂ©tĂ©rĂ©e de la dĂ©faite et de la capitulation. » C’est au service de cette jeunesse d’espĂ©rance que PĂ©guy met toutes les ressources de son style, de son intelligence et de sa mystique. Il n’en demeure pas moins que sa connaissance du christianisme, ou, pour mieux dire, son intelligence du fait chrĂ©tien, dĂ©fie les explications enfermĂ©es dans l’horizon Ă©triquĂ© du rationalisme historique. Son Ɠuvre prise en son entier, pour qui la considĂšre avec honnĂȘtetĂ© et patience, est une illustration impressionnante de ses propres analyses sur le gĂ©nie et la grĂące. Fils de la modernitĂ©, PĂ©guy a offert au jeu de la grĂące toutes les ressources de sa personnalitĂ© intellectuelle et spirituelle. Cet engagement total est la derniĂšre rĂ©ponse, la rĂ©ponse dĂ©finitive, Ă  la fois implacable et magnanime, au parti intellectuel, au monde moderne. Laurent-Marie Pocquet du Haut-JussĂ© Pour acheter le livre de Laurent-Marie Pocquet du Haut-JussĂ© Charles PĂ©guy et la modernitĂ©
plupartdes gens pensent que ce texte a Ă©tĂ© Ă©crit par Charles PĂ©guy, ce qui n’est en fait pas le cas ». Charles PĂ©guy n’aurait donc pas Ă©crit « La mort n’est rien ; je suis seulement passĂ© dans la piĂšce Ă  cĂŽtĂ©. ». Extrait : « En tout Ă©tat de cause, Charles PĂ©guy n’est
L’historien Jean-Pierre Rioux publie en ce dĂ©but d’annĂ©e La mort du Lieutenant PĂ©guy, un livre qui retrace l’expĂ©rience de guerre du grand Ă©crivain jusqu’à sa mort le 5 septembre 1914. Occasion de revenir sur la conception de la guerre du directeur des Cahiers de la Quinzaine. soldats français en 1914 Charles PĂ©guy est mort debout. En soldat honorable, en soldat vertical. ArrivĂ©e au croisement de la route d’Yverny-la Bascule et de Chauconin, la 19e compagnie de PĂ©guy reçoit l’ordre d’attaquer les Allemands embusquĂ©s Ă  quelques centaines de mĂštres de lĂ . FiĂšrement dressĂ©, PĂ©guy commande le feu Tirez, tirez, nom de Dieu ! » Quelques instants plus tard, il est frappĂ© d’une balle en plein front et s’écroule dans une plainte Ah ! mon Dieu
 Mes enfants ! » Parmi les nombreux hommages consĂ©cutifs Ă  la mort de PĂ©guy, celui de son ami Daniel HalĂ©vy se distingue par sa luciditĂ© Je ne pleurerai pas son hĂ©roĂŻque fin. Il l’a cherchĂ©e, il l’a trouvĂ©e, il Ă©tait digne d’elle [
] Ne le plaignons pas. Cette mort, qui donne Ă  son Ɠuvre le tĂ©moignage, la signature du sang, il l’a voulue. » En effet, PĂ©guy a toujours eu une haute conscience de l’honneur et une admiration pour la figure du soldat. Cette mort est celle qui lui ressemble le plus. Sa vie aura Ă©tĂ© celle d’un soldat de plume, sa mort, celle d’un soldat tout court. Soldat, PĂ©guy l’était indiscutablement. Soldat français, PĂ©guy l’était d’autant plus. Dans sa Note conjointe sur M. Descartes, il s’applique Ă  distinguer deux conceptions radicalement opposĂ©es de la guerre. D’un cĂŽtĂ©, la conception française hĂ©ritĂ©e de la chevalerie et dont la finalitĂ© est l’honneur, de l’autre, la conception allemande hĂ©ritĂ©e de l’Empire romain et dont la finalitĂ© est la victoire. Le soldat français se bat pour des valeurs, le soldat allemand se bat pour gagner. Aux yeux de PĂ©guy, la logique de guerre allemande trouve son origine dans l’épisode du cheval de Troie. Ce n’est donc pas un Romain, mais le Grec Ulysse qui a le premier privilĂ©giĂ© l’issue de la bataille Ă  la bataille en tant que telle. Plus question pour le fis d’Ithaque de respecter un code, mais bien plutĂŽt d’utiliser la ruse et d’ĂȘtre fidĂšle Ă  sa rĂ©putation d’homme au mille tours ». Pour PĂ©guy, le systĂšme de guerre français est basĂ© sur le duel tandis que le systĂšme de guerre allemand est basĂ© sur la domination. Il prĂ©vient la guerre entre la France et l’Allemagne ne peut pas ĂȘtre envisagĂ©e comme un duel Ă  grande Ă©chelle puisque seule une des parties engagĂ©es respecte les rĂšgles chevaleresques du duel. Français et Allemands font la guerre, ils se font la guerre, mais ils ne font pas la mĂȘme guerre. Je dirai Il y a deux races de la guerre qui n’ont peut-ĂȘtre rien de commun ensemble et qui se sont constamment mĂȘlĂ©es et dĂ©mĂȘlĂ©es dans l’histoire [
] Il y a une race de la guerre qui est une lutte pour l’honneur et il y a une tout autre race de la guerre qui est une lutte pour la domination. La premiĂšre procĂšde du duel. Elle est le duel. La deuxiĂšme ne l’est pas et n’en procĂšde pas », explique PĂ©guy. soldats allemands en 1914 PĂ©guy estime que, lorsqu’on fait la guerre, la fin ne justifie jamais les moyens. Pour le soldat français, c’est plutĂŽt les moyens qui justifient la fin. Vaincre ne compte pas pour le chevalier, ce qui compte c’est de combattre, de bien combattre. En revanche, pour le soldat allemand, la maniĂšre importe peu, seule la victoire compte, qu’elle se fasse dans l’honneur ou le dĂ©shonneur concepts Ă©trangers Ă  cette race de la guerre ». Il y a une race de la guerre oĂč une victoire dĂ©shonorante, par exemple une victoire par trahison, est infiniment pire, et l’idĂ©e mĂȘme en est insupportable, qu’une dĂ©faite honorable, c’est-Ă -dire une dĂ©faite subie, et je dirai obtenue en un combat loyal », affirme PĂ©guy. Chevalier et samouraĂŻ Ces deux systĂšmes de guerre s’inscrivent dans une tradition Ă  la fois temporelle et spirituelle. Pour nous modernes, chez nous l’un est celtique et l’autre est romain. L’un est fĂ©odal et l’autre est d’empire. L’un est chrĂ©tien et l’autre est romain. Les Français ont excellĂ© dans l’un et les Allemands ont quelquefois rĂ©ussi dans l’autre et les Japonais paraissent avoir excellĂ© dans l’un et rĂ©ussi dans l’autre », note-t-il. Le chevalier, comme le samouraĂŻ, est une incarnation temporelle du spirituel. Leur sacrifice Ă©ventuel est une preuve du primat en eux du spirituel sur le temporel. Le soldat allemand en revanche, parce qu’il recherche la domination, est prĂȘt Ă  sacrifier du spirituel pour du temporel, des valeurs, pour la victoire. Cette rĂ©fĂ©rence au soldat japonais nous ramĂšne Ă  un autre texte de PĂ©guy, Par ce demi-clair matin, publiĂ© aprĂšs la crise de Tanger en 1905. PĂ©guy revient sur le sentiment d’assurance qui caractĂ©rise la nation française avant la dĂ©faite de 1870, un sentiment qui peut se rĂ©sumer ainsi [
] la France est naturellement et historiquement invincible ; le Français est imbattable ; le Français est le premier soldat du monde tout le monde le sait. » Dans Leur Patrie, Gustave HervĂ©, dont l’antimilitarisme insupporte PĂ©guy, se moque de cette assurance [
] il suffit de connaĂźtre l’histoire militaire du peuple français pour constater qu’il n’en est peut-ĂȘtre pas un seul en Europe qui compte Ă  son actif tant de dĂ©faites mĂ©morables, anciennes ou rĂ©centes », Ă©crit-il. Ce Ă  quoi PĂ©guy rĂ©pond [
] et il est sans doute encore plus vrai que le Français dans les temps modernes est le premier soldat du monde ; car on peut trĂšs bien ĂȘtre le premier peuple militaire du monde, et ĂȘtre battu, comme on peut trĂšs bien ĂȘtre le premier soldat du monde et ĂȘtre battu. » un samouraĂŻ Le seul soldat comparable au soldat français est le soldat japonais. L’équivalent japonais du chevalier courtois est le samouraĂŻ. Le mĂȘme sens de l’honneur anime ces deux figures du combattant. Le chevalier est un samouraĂŻ d’occident, comme le samouraĂŻ est un chevalier d’orient. Ces deux soldats ont le duel comme modĂšle, ce qui n’est pas le cas du soldat allemand. Le soldat allemand est puissant dans le mesure oĂč il est une des parties de l’armĂ©e. En tant qu’individu, il n’a pas la mĂȘme valeur que le soldat français ou japonais. L’Allemagne a une grande armĂ©e, mais n’a pas de grands soldats. La France et le Japon ont une grande armĂ©e et de grands soldats. [
] quand nous nous demandons si la France a encore la premiĂšre armĂ©e du monde, Ă  quel terme de comparaison pensons-nous ? nous pensons immĂ©diatement Ă  une autre puissance, Ă  une autre armĂ©e, Ă  l’armĂ©e allemande [
] de savoir si la France est ou n’est pas encore le premier peuple militaire du monde, si le Français, particuliĂšrement, est ou n’est pas encore le premier soldat du monde, Ă  quel terme de comparaison pensons-nous ? pensons-nous encore au peuple allemand, au soldat allemand ? non ; nous pensons immĂ©diatement au peuple japonais, au soldat japonais [
] » Le sacrifice du lieutenant PĂ©guy le consacre dĂ©finitivement chevalier, le consacre dĂ©finitivement samouraĂŻ. Par sa conduite exemplaire sur le champ de bataille, il a prouvĂ© qu’il n’était pas un patriote livresque, mais un patriote authentique. Le 17 septembre 1914, dans L’Écho de Paris, Maurice BarrĂšs lui consacre un article visionnaire Nous sommes fiers de notre ami. Il est tombĂ© les armes Ă  la main, face Ă  l’ennemi, le lieutenant de ligne Charles PĂ©guy. Le voilĂ  entrĂ© parmi les hĂ©ros de la pensĂ©e française. Son sacrifice multiplie la valeur de son Ɠuvre. Il cĂ©lĂ©brait la grandeur morale, l’abnĂ©gation, l’exaltation de l’ñme. Il lui a Ă©tĂ© donnĂ© de prouver en une minute la vĂ©ritĂ© de son Ɠuvre. Le voilĂ  sacrĂ©. Ce mort est un guide, ce mort continuera plus que jamais d’agir, ce mort plus qu’aucun est aujourd’hui vivant. »
Lamort n'est rien. Je suis seulement passĂ© de l'autre cĂŽtĂ©. Je suis moi. Tu es toi. Ce que nous Ă©tions l'un pour l'autre, nous le sommes toujours. Donne-moi le nom que tu m'as toujours donnĂ©. Parle-moi comme tu l'as toujours fait. N'emploie pas de ton diffĂ©rent. Ne prends pas un air solennel, triste. Continue Ă  rire de ce qui nous faisait rire La spiritualitĂ© du pĂšlerinage de Chartres fut admirablement interprĂ©tĂ©e par les PriĂšres dans la cathĂ©drale de Charles PÉGUY spiritualitĂ© faite d’adoration de Marie MĂšre de Dieu, mais aussi redĂ©couverte d’un espace intĂ©rieur, d’une disposition d’ñme qui se dĂ©ploie au fur et Ă  mesure de l’approche de la cathĂ©drale. Charles PĂ©guy en 1897 © ACP Charles PÉGUY est en rĂ©alitĂ© indissociable du pĂšlerinage de Chartres. Il a profondĂ©ment marquĂ© plusieurs gĂ©nĂ©rations. La fin du XIXe siĂšcle avait connu le retour massif des pĂšlerins jusqu’à remplir toutes les rues de Chartres. Il est pourtant considĂ©rĂ© comme une sorte de refondateur’. C’est dans ses pas, le plus souvent, que sont entrĂ©s les grands pĂšlerinages des cent derniĂšres annĂ©es. L’histoire est Ă©tonnante
 Elle commence le 14 juin 1912, lorsque Charles PÉGUY entreprend l pĂšlerinage de Chartres Ă  la suite d’un vƓu fait l’étĂ© prĂ©cĂ©dent au chevet de son fils malade. Alors, mon vieux, j’ai senti que c’était grave. Il a fallu que je fasse un vƓu
 J’ai fait un pĂšlerinage Ă  Chartres. Je suis Beauceron. Chartres est ma cathĂ©drale. J’ai fait 144 kilomĂštres en trois jours. 
 Mourir dans un fossĂ©, ce n’est rien ; vraiment, j’ai senti que ce n’était rien. Nous faisons quelque chose de plus difficile ». AprĂšs la mort du poĂšte en 1914, certains de ses amis empruntent son itinĂ©raire. Ils mĂ©ditent ses poĂšmes, font mĂ©moire. en savoir plus sur le chemin Charles PĂ©guy » – site officiel

Nonje ne regrette toujours rien Livre d'occasion Ă©crit par Dumont, Charles paru en 2012 aux Ă©ditions Calmann-LĂ©vy, . ThĂšme : LITTÉRATURE GÉNÉRALE - Biographies, MĂ©moires - Biographies Code ISBN / EAN : La photo de couverture n’est pas contractuelle.

Les invitĂ©s du Point TRIBUNE. Pascal Durand a critiquĂ© l'intervention de François-Xavier Bellamy au Parlement europĂ©en parce que celui-ci se rĂ©clame de Charles PĂ©guy. Portrait non datĂ© de l'Ă©crivain français Charles PĂ©guy. © INTERCONTINENTALE / AFP Par la merveille des rĂ©seaux sociaux, un dĂ©putĂ© europĂ©en fraĂźchement réélu, ancien Vert ralliĂ© Ă  En marche !, vient de dĂ©clencher l'ire gĂ©nĂ©rale en s'en prenant Ă  PĂ©guy. Plus exactement, Pascal Durand, puisque c'est son nom, s'indigne de ce que son collĂšgue François-Xavier Bellamy, pour sa premiĂšre intervention au Parlement de l'UE, se soit rĂ©clamĂ© du directeur des Cahiers de la Quinzaine, alors que ce dernier n'est autre, dit Pascal Durand, qu'un nationaliste belliqueux et rĂ©actionnaire ».À LIRE AUSSIBellamy dresse l'inventaire de la droiteLes rĂ©actions les plus vives, dans la presse ou sur Twitter, ne se sont pas fait attendre. Il y a quelque chose de rassurant Ă  voir combien nos contemporains tiennent encore Ă  PĂ©guy dans toute sa complexitĂ©, et refusent de le voir rĂ©duit Ă  quelque chose qu'il ne fut nullement. Mais ce menu fait divers de la logomachie contemporaine peut aussi nous intervention de fxbellamy au PE, il commence par une citation de Charles Peguy... rĂ©fĂ©rence naturellement innocente Ă  un nationaliste belliqueux et rĂ©actionnaire ÇaPromet— Pascal DURAND PDurandOfficiel 16 juillet 2019 C'est peut-ĂȘtre qu'une figure comme la sienne est devenue pour certains proprement incomprĂ©hensibleRappelons les faits. PĂ©guy fut un dreyfusard anarchisant, un socialiste vibrant et militant, mais il eut le mauvais goĂ»t de se convertir au christianisme et de dĂ©velopper un patriotisme trĂšs particulier, traversĂ© par le souvenir de l'histoire de France et l'inquiĂ©tude de la guerre Ă  venir. Cependant, quoiqu'il se retournĂąt contre JaurĂšs, son ancien maĂźtre, il ne se renia jamais son christianisme mĂątinĂ© d'anticlĂ©ricalisme se prĂ©sentait comme une religion des pauvres, et son patriotisme est celui des Soldats de l'an II, pas de Maurras et de ses PĂ©guy peut-il alors se retrouver ainsi qualifiĂ© aujourd'hui ? C'est peut-ĂȘtre qu'une figure comme la sienne est devenue pour certains proprement incomprĂ©hensible. Examinons le chef d'accusation un mot aprĂšs l' belliqueux » ? Belliciste, pourquoi pas, puisqu'il jugeait la guerre avec l'Allemagne inĂ©vitable et qu'il eut l'indĂ©licatesse de mourir au front dans les tout premiers jours du conflit. Mais PĂ©guy avait-il forcĂ©ment tort ? Les abus rĂ©cents de l'idĂ©e de guerre juste », par les États-Unis en particulier, nous ont peut-ĂȘtre rendus sourds Ă  ce genre d'engagement. Pascal Durand eĂ»t-il jugĂ© PĂ©guy belliqueux » si celui-ci avait tenu le mĂȘme discours en 1938 ? Pas sĂ»r. Or ce que PĂ©guy dĂ©nonce dans l'Allemagne de son temps, c'est prĂ©cisĂ©ment le germe de ce qu'elle deviendra dans les dĂ©cennies suivantes et qu'il n'Ă©tait d'ailleurs pas le premier Ă  remarquer impĂ©rialisme, vision raciale du monde, volontĂ© de domination. La mort infiniment regrettable de PĂ©guy au combat, qui interrompit pour toujours son Ɠuvre, n'annule pas sa rĂ©actionnaire » ? Il est vrai que PĂ©guy aime le passĂ©, proche ou lointain, tous les passĂ©s d'ailleurs, et qu'il aime voir ce passĂ© ressurgir dans le prĂ©sent de chacun. Mais le rĂ©actionnaire, c'est celui qui veut revenir en arriĂšre, Marx l'a bien vu. PĂ©guy ne souhaite nullement cela, lui qui fut si sensible, prĂ©cisĂ©ment, aux particularitĂ©s de son temps, aux possibilitĂ©s propres qui lui Ă©taient offertes, aux risques que nous courions et aux missions qui devaient ĂȘtre dĂ©sormais les nĂŽtres. Sommes-nous arrivĂ©s un siĂšcle plus tard Ă  un point oĂč toute rĂ©flexion sur ce qui, du passĂ©, nous travaille sera jugĂ©e rĂ©actionnaire ? Dans ce cas, que nous restera-t-il ?Le patriotisme de PĂ©guy n'est pas un narcissisme collectif ni un nationalisme dĂ©guisĂ© il est l'antidote le plus efficace Ă  la pathologie nationalisteMais passons au plus raide PĂ©guy nationaliste ». C'est Ă  ce mot que les lecteurs du fameux tweet se sont Ă©tranglĂ©s, Ă  raison. PĂ©guy est justement contemporain de l'Ă©mergence du nationalisme moderne, qui en son temps se nommait nationalisme intĂ©gral », sous la houlette de Charles Maurras. Et PĂ©guy n'a rien, absolument rien Ă  voir avec cette tradition nĂ©e de l'antidreyfusisme et d'un certain catholicisme antifraternitaire. Le maurrassien Pierre Lasserre ne s'y trompait pas, jugeant qu'il manquait Ă  PĂ©guy une cervelle organisĂ©e ». Le patriotisme de PĂ©guy, qui se rĂ©clame de Corneille, de Michelet et de Victor Hugo rĂ©actionnaires, eux aussi ?, n'est ni contre-rĂ©volutionnaire, ni autoritariste, ni antisĂ©mite. Il ne fait certainement pas la chasse aux mĂ©tĂšques ». Il n'est pas non plus une affaire de parti, une banniĂšre, ce que le nationalisme, lui, est toujours – jusqu'aujourd'hui sous l'Ă©tiquette du Rassemblement national » qui ne rassemble que lui-mĂȘme, contre les autres. PĂ©guy, lui, est patriote dans la mesure oĂč tout Français peut l'ĂȘtre, sans restriction. PĂ©guy dĂ©fend ce que la France a de prĂ©cieux, aux yeux du monde entier et pas seulement aux siens. Le patriotisme de PĂ©guy n'est pas un narcissisme collectif ni un nationalisme dĂ©guisĂ© il est l'antidote le plus efficace Ă  la pathologie nationaliste dont il observa en son temps les linĂ©aments. Pascal Durand ne paraĂźt pas comprendre cela. L'autre du nationalisme, ce n'est pas forcĂ©ment l'internationalisme, que celui-ci soit communiste ou capitaliste. C'est aussi le patriotisme de PĂ©guy et de Michelet. Deux auteurs particuliĂšrement chers, tenez, Ă  un certain gĂ©nĂ©ral belliqueux » de 1940.*Alexandre de Vitry est normalien et agrĂ©gĂ© de lettres modernes. Il vient de publier Sous les pavĂ©s, la droite » DesclĂ©e de Brouwer, 2018 Je m'abonne Tous les contenus du Point en illimitĂ© Vous lisez actuellement Charles PĂ©guy nationaliste belliqueux » ? Quelle ignorance ! Que lire, que voir, Ă  quel Ăąge ? 26 Commentaires Commenter Vous ne pouvez plus rĂ©agir aux articles suite Ă  la soumission de contributions ne rĂ©pondant pas Ă  la charte de modĂ©ration du Point. Vous ne pouvez plus rĂ©agir aux articles suite Ă  la soumission de contributions ne rĂ©pondant pas Ă  la charte de modĂ©ration du Point.
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Cetexte de Charles Péguy, extrait de L'Argent, a été écrit en 1917. Il demeure d'une étonnante actualité : "Pour la premiÚre fois dans l'histoire du monde, les puissances spirituelles ont été toutes ensemble refoulées non point par les puissances matérielles mais par une seule puissance matérielle qui est la puissance de l'argent
Le 5 septembre 1914 Ă  Villeroy-sur-Marne, rĂ©sonnent les premiers affrontements d’une grande guerre. Français et Allemands imaginent que ça ne durera pas, et les soldats montent en premiĂšre ligne avec l’enthousiasme des eux, un intellectuel qui ne verra jamais cette guerre s’enliser dans les tranchĂ©es en fin d’aprĂšs-midi, le lieutenant PĂ©guy, 41 ans, est Ă  la tĂȘte de son unitĂ© quand l’ennemi ouvre le feu. Ardent patriote, il reste debout quand ses hommes s’aplatissent. TouchĂ© en plein front, il s’effondre dans un cri Mon Dieu, mes enfants
 »Ainsi figure-t-il parmi les hĂ©ros de la pensĂ©e française ! Le voilĂ  sacrĂ©. Ce mort est un guide, ce mort continuera plus que jamais d’agir, ce mort plus qu’aucun est aujourd’hui vivant », s’exclame son ennemi politique Maurice Daudin, prĂ©sidente de l’association des Amis de Charles PĂ©guy, tempĂšre la vision hĂ©roĂŻque de l’homme sacrifiĂ© "Il est mort Ă  la guerre comme des millions de soldats de part et d’autre, dans un massacre absurde. C’est une tragĂ©die pour lui comme pour tous les autres. "Cent ans aprĂšs, pourquoi PĂ©guy ? Parce que l’homme de son temps mort au champ d’honneur Ă©tait un visionnaire il a encore tant Ă  nous dire. Un homme libre PĂ©guy est mort avant d’ĂȘtre cĂ©lĂšbre », rappelle encore Claire Daudin ƒuvres poĂ©tiques et dramatiques, Charles PĂ©guy, sous la direction de Claire Daudin, La PlĂ©iade/Gallimard, sortie le 18 septembre 2014, 1 888 p. ; 67,50 €.Son passage Ă  la postĂ©ritĂ© a connu, d’ailleurs, des hauts et des bas. Notamment parce qu’une bonne partie de son Ɠuvre n’a Ă©tĂ© publiĂ©e qu’aprĂšs sa mort, grĂące au travail constant de sa famille. Tout au long du XXe siĂšcle, sa pensĂ©e a Ă©tĂ© malmenĂ©e et les tentatives de rĂ©cupĂ©ration furent nombreuses », confie Olivier PĂ©guy, arriĂšre-petit-fils de l’écrivain. Socialiste ? Traditionaliste ? Nationaliste ? AthĂ©e ou catholique ? Trop souvent, une lecture parcellaire permet de tirer PĂ©guy Ă  faut reprendre l’ensemble de l’Ɠuvre pour sortir des catĂ©gories un penseur inclassable et suffisamment complexe pour dĂ©router "L’homme n’est pas linĂ©aire, poursuit son descendant. Il faut plonger dans son Ɠuvre, se laisser bousculer, et les portes s’ouvrent, une Ă  une. "Charles PĂ©guy est nĂ© le 7 janvier 1873, Ă  OrlĂ©ans son pĂšre meurt quelques mois plus tard, et l’enfant grandit entre sa mĂšre, rempailleuse de chaises, et sa condition modeste qui ne l’empĂȘche pas de suivre une scolaritĂ© brillante, bientĂŽt poussĂ© vers Normale sup’. En 1891, l’étudiant dĂ©couvre Paris, se passionne pour les lettres, la philosophie, s’enflamme pour les idĂ©es politiques, Ă©pouse le socialisme naissant
Et dĂ©fend Dreyfus. C’est avec fougue que l’étudiant s’engage dans le combat socialiste, proche de JaurĂšs, militant sans relĂąche jusqu’à ce que le parti » s’ de question, pour PĂ©guy, de confesser un catĂ©chisme qui sacrifie les idĂ©es Ă  la discipline communautaire. S’il a paru souvent changer d’avis, de parti, de religion, PĂ©guy est pourtant l’homme de la fidĂ©litĂ©. FidĂ©litĂ© Ă  la libertĂ©. LibertĂ© de penser, libertĂ© de conscience, libertĂ© de croire. Un chrĂ©tien subversif En 1899, le congrĂšs socialiste admet le principe de la censure dans les journaux du Parti
 PĂ©guy ne le supporte pas Nous marcherons contre vous de toutes nos forces » lance-t-il Ă  ses anciens homme entier donc, qui se retrouve seul. En janvier 1900, il crĂ©e Les cahiers de la Quinzaine , une revue qu’il a tenue Ă  bout de bras, pendant quatorze annĂ©es, fournissant lui-mĂȘme la majeure partie du critique, notamment, les dĂ©rives totalitaires, commente sans concession l’actualitĂ© politique, la puissance de l’argent, les compromissions. Sa ligne Ă©ditoriale est nette "Dire la vĂ©ritĂ©, toute la vĂ©ritĂ©, rien que la vĂ©ritĂ©, dire bĂȘtement la vĂ©ritĂ© bĂȘte, ennuyeusement la vĂ©ritĂ© ennuyeuse, tristement la vĂ©ritĂ© triste. "PĂ©guy travaille beaucoup, Ă©crit sans arrĂȘt
 Essais polĂ©miques mais aussi poĂ©sie, articles, prose. Il dĂ©nonce le monde moderne Son travail, c’est prĂ©cisĂ©ment de dĂ©ranger, voire de mĂ©contenter, d’ouvrir le dĂ©bat et non pas d’aller dans une direction donnĂ©e », rappelle Claire penseur dĂ©route, et il sait bien qu’il n’est pas toujours audible Un fatras vivant vaut mieux qu’un ordre mort. »Face au monde politique, PĂ©guy ne cache pas sa dĂ©sillusion Il est une sentinelle qui rappelle Ă  la sociĂ©tĂ© les promesses oubliĂ©es, analyse l’écrivain Emmanuel Godo l’intellectuel doit rappeler l’idĂ©al, le feu sacrĂ©, sans lequel il n’y a pas de sociĂ©tĂ© humaine » Pourquoi nous battons-nous ? Les Ă©crivains face Ă  leur guerre, Emmanuel Godo, Cerf, 2014, 384 p. ; 24 €..Et voilĂ  que, dans cette tension intellectuelle, PĂ©guy se rĂ©vĂšle croyant. Ce n’est pas vĂ©ritablement une conversion, plutĂŽt une conviction, une Ă©vidence qui le cueille en 1908 Dieu, qui propose son alliance dĂšs l’Ancien Testament, ne s’impose pas. Dieu ne demande pas la soumission, mais une adhĂ©sion fils d’OrlĂ©ans s’attache Ă  la figure tutĂ©laire de Jeanne d’Arc qui n’est pas encore politisĂ©e. En elle, il trouve un modĂšle d’engagement et de contradiction aussi PĂ©guy pourrait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un catholique anticlĂ©rical » dont la foi dĂ©poussiĂšre la religiositĂ© confinĂ©e et ouvre grandes les maniĂšre, peut-ĂȘtre, de dĂ©finir une thĂ©ologie de la libertĂ© » qui n’est pas moins exigeante que l’ordre Ă©tabli. Une pensĂ©e qu’on retrouvera chez Emmanuel Mounier ou le protestant Jacques Ellul, avec son livre La subversion du christianisme de Jacques Ellul, La Table ronde, 2004, 324 p. ; 8,70 €. Si PĂ©guy Ă©tait bouleversĂ© par l’art chrĂ©tien – Chartres et sa cathĂ©drale ! –, sa foi le renvoie au plus concret de l’existence Le spirituel est constamment couchĂ© dans le lit de camp du temporel », souligne ce croyant fervent et idĂ©aliste. Un gĂ©nie Ă  dĂ©couvrir Pour lui, la foi est un tel feu qu’elle ne peut se contenter de demi-mesure, et qu’elle dĂ©borde toute institution, prĂ©cise Emmanuel Godo, qui ajoute PĂ©guy est un paysan cĂ©leste, la langue se laboure, se travaille Ă  partir du rĂ©el, de l’incarnation. »â–ș Son. Adieu Ă  la Meuse, de Charles PĂ©guy. Car cette pensĂ©e de haute volĂ©e se conjugue Ă  un gĂ©nie de la langue. Une langue, un style, qui nĂ©cessitent un peu d’investissement pour ĂȘtre compris PĂ©guy n’est pas l’adepte moderne du mot d’esprit ou de la formule Ă  l’ pourtant, il est rĂ©solument contemporain comment sa recherche d’absolu ne serait-elle pas Ă  l’unisson avec la quĂȘte moderne de sens ? Cent ans aprĂšs sa mort, Charles PĂ©guy me donne des nouvelles “de son cƓur et de son Ăąme” et m’apparaĂźt comme un prophĂšte dont les Ɠuvres parlent Ă  notre temps », Ă©crit Michael Lonsdale PĂ©guy, entre ciel et terre, Michael Lonsdale, Éd. Cerf, 2014, 213 p.; 19 €.Sorti des programmes scolaires, PĂ©guy connaĂźt malgrĂ© tout un petit cercle d’inconditionnels, eux-mĂȘmes souvent inclassables le politique François Bayrou, le journaliste Jacques Julliard, le philosophe Alain Finkielkraut, l’écrivain Yann Moix
En 2014, il reste un insurgĂ© visionnaire. Un libertaire ordonnĂ©. Un indispensable compagnon de route. Un lanceur d’alerte. Un vigilant rĂ©publicain. Un socialiste franciscain. Un chrĂ©tien de la citĂ© harmonieuse », Ă©crit Damien Le Guay Les hĂ©ritiers PĂ©guy, Éd. Bayard, Damien Le Guay, 2014, 356 p. ; 19,90 €.On en revient Ă  la libertĂ© de pensĂ©e, mĂȘme penser contre soi-mĂȘme », et croire en dehors des sentiers battus des pieuses habitudes. S’il est aujourd’hui si souvent invoquĂ©, c’est sans doute parce que c’est un homme libre, un homme qui ne s’économise pas, un homme consumĂ© par ses idĂ©es et qui meurt au front.
. 89 45 279 375 471 77 389 394

charles peguy la mort n est rien